À Ida, variations sur un même thème
Le soleil
brille d’une mer étale, d’un ciel indéfinissable.
Des auréoles
jaunes forment sur le parquet brun
une douce
chaleur baignée,
d’immenses
taches de lumière éparses.
Une belle
femme se déhanche, lascive et altière.
Des oiseaux,
tel un écho au requiem sur la platine, pépient.
Dans la
lumière assourdissante,
les feuilles
des arbres bruissent et scintillent.
La jeune
femme rit et elle tourbillonne dans sa longue robe noire.
La fenêtre
est grande ouverte, immense,
fenêtre aux
miroirs impossibles.
Avides, les
bruits s’engouffrent,
la lumière,
l’air la font chavirer,
une vie à
chavirer.
Pieds nus, la
femme est légère, si légère.
La voilà
corolle, pétale, fleur qui s’enivre.
Elle tourne,
tourne.
Par-delà la
fenêtre, les odeurs embaument,
immenses
vitres sombres et impénétrables.
La tête du
diamant crisse sur le disque vinyle noir.
Par-delà la
fenêtre ouverte,
longue et
élégante, la jeune femme,
faite pour
une belle vie,
s’élance.
Une femme se
déhanche, lascive et altière. Elle est belle, belle et jeune, et elle danse si
bien, adroite aussi, un verre de vin rouge à la main et, au bord des lèvres,
une cigarette. Le soleil brille d’une mer étale, d’un ciel indéfinissable. Sur
le parquet brun, des auréoles jaunes forment une douce chaleur baignée,
d’immenses taches de lumière éparses s’étalent et se perdent, d’un gris
imperceptible, étrange. La fenêtre est ouverte. Des oiseaux, tel un écho au
requiem sur la platine, s’égaient et pépient. Sont-ils si proches, si joyeux eux
aussi, qu’ils ont leur chorale, leur requiem volatile ? Dans la lumière
assourdissante, et, au milieu de la multitude, les feuilles encore mordorées
bruissent et scintillent. Fascinées, les branches des arbres majestueux, telles
des soubrettes, s’inclinent. La jeune femme rit et elle tourbillonne,
tourbillonne dans sa longue robe noire, haute perchée sur ses chaussures
vernies à talon. Elle boit, boit, tourne à en avoir le vertige, la nausée, à
s’en souvenir aussi de ces miasmes inconsolés et inconsolables. Des larmes
coulent des paupières au milieu de ce rouge pourpre du vin au verre
translucide. La fenêtre est grande ouverte, immense, fenêtre opaque et aux
miroirs impossibles. Depuis quand ne s’est-elle pas pâmée ainsi, fuyante ?
Avides, les bruits s’engouffrent, la lumière, l’air la font chavirer, une vie à
chavirer qui l’étouffe, qu’elle n’aurait pas voulu. Elle sent les langes,
l’odeur de lait, du bébé, de ses cris agonisés, ensevelis à la hâte, sous le
bourbier. Pieds nus maintenant, les chaussures, bien sûr elle les a envoyées
valdinguer, la femme est légère, si légère. La voilà corolle, pétale, fleur qui
s’enivre. La musique, le requiem, les chœurs, leur entrain l’aident. Elle
tourne, tourne, n’en finit plus de tourner, sa longue chevelure lui caressant
doucement les épaules. Cela chatouille. Les odeurs embaument, vomissent à
travers les immenses vitres sombres et impénétrables qui l’enserrent. La tête
du diamant, après que le bras bien avant ait pivoté et bien consciencieusement,
crisse sur le disque vinyle noir. Le requiem s’emballe, plane au-delà des
cimes, des oiseaux perchés ébahis ; et repu de sa plénitude, il triomphe.
Par-delà la fenêtre ouverte, longue et élégante, la jeune femme, faite pour une
belle vie, s’élance. La voilà en de si belles enjambées au-dessus de la
clenche, en un mouvement aérien, léger, elle tombe ; ou plutôt, elle s’envole,
enfin.
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