samedi 21 février 2015

Par la fenêtre


À Ida, variations sur un même thème

Le soleil brille d’une mer étale, d’un ciel indéfinissable.
Des auréoles jaunes forment sur le parquet brun
une douce chaleur baignée,
d’immenses taches de lumière éparses.

Une belle femme se déhanche, lascive et altière.
Des oiseaux, tel un écho au requiem sur la platine, pépient.
Dans la lumière assourdissante,
les feuilles des arbres bruissent et scintillent.

La jeune femme rit et elle tourbillonne dans sa longue robe noire.
La fenêtre est grande ouverte, immense,
fenêtre aux miroirs impossibles.

Avides, les bruits s’engouffrent,
la lumière, l’air la font chavirer,
une vie à chavirer.

Pieds nus, la femme est légère, si légère.
La voilà corolle, pétale, fleur qui s’enivre.
Elle tourne, tourne.

Par-delà la fenêtre, les odeurs embaument,
immenses vitres sombres et impénétrables.
La tête du diamant crisse sur le disque vinyle noir.

Par-delà la fenêtre ouverte,
longue et élégante, la jeune femme,
faite pour une belle vie,
s’élance.


Une femme se déhanche, lascive et altière. Elle est belle, belle et jeune, et elle danse si bien, adroite aussi, un verre de vin rouge à la main et, au bord des lèvres, une cigarette. Le soleil brille d’une mer étale, d’un ciel indéfinissable. Sur le parquet brun, des auréoles jaunes forment une douce chaleur baignée, d’immenses taches de lumière éparses s’étalent et se perdent, d’un gris imperceptible, étrange. La fenêtre est ouverte. Des oiseaux, tel un écho au requiem sur la platine, s’égaient et pépient. Sont-ils si proches, si joyeux eux aussi, qu’ils ont leur chorale, leur requiem volatile ? Dans la lumière assourdissante, et, au milieu de la multitude, les feuilles encore mordorées bruissent et scintillent. Fascinées, les branches des arbres majestueux, telles des soubrettes, s’inclinent. La jeune femme rit et elle tourbillonne, tourbillonne dans sa longue robe noire, haute perchée sur ses chaussures vernies à talon. Elle boit, boit, tourne à en avoir le vertige, la nausée, à s’en souvenir aussi de ces miasmes inconsolés et inconsolables. Des larmes coulent des paupières au milieu de ce rouge pourpre du vin au verre translucide. La fenêtre est grande ouverte, immense, fenêtre opaque et aux miroirs impossibles. Depuis quand ne s’est-elle pas pâmée ainsi, fuyante ? Avides, les bruits s’engouffrent, la lumière, l’air la font chavirer, une vie à chavirer qui l’étouffe, qu’elle n’aurait pas voulu. Elle sent les langes, l’odeur de lait, du bébé, de ses cris agonisés, ensevelis à la hâte, sous le bourbier. Pieds nus maintenant, les chaussures, bien sûr elle les a envoyées valdinguer, la femme est légère, si légère. La voilà corolle, pétale, fleur qui s’enivre. La musique, le requiem, les chœurs, leur entrain l’aident. Elle tourne, tourne, n’en finit plus de tourner, sa longue chevelure lui caressant doucement les épaules. Cela chatouille. Les odeurs embaument, vomissent à travers les immenses vitres sombres et impénétrables qui l’enserrent. La tête du diamant, après que le bras bien avant ait pivoté et bien consciencieusement, crisse sur le disque vinyle noir. Le requiem s’emballe, plane au-delà des cimes, des oiseaux perchés ébahis ; et repu de sa plénitude, il triomphe. Par-delà la fenêtre ouverte, longue et élégante, la jeune femme, faite pour une belle vie, s’élance. La voilà en de si belles enjambées au-dessus de la clenche, en un mouvement aérien, léger, elle tombe ; ou plutôt, elle s’envole, enfin.


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